L'art de l'icône


Père Georges DROBOT, iconographe, Docteur en théologie ( 1925 - 2011), explique l'art de l'icône:

Les spécialistes de l’art actuel classent l’art des icônes dans le domaine de l’Art sacré. Mais comment définir cet art sacré qui regroupe en son sein des manifestations artistiques aussi diverses que les primitifs italiens et l’art abstrait des églises occidentales contemporaines, pour ne parler que de sa branche occidentale ? Or, à ce propos, on ne doit oublier ni l’art des catacombes, ni les sculptures romanes et il serait donc plus précis de parler ici d’art religieux, en réservant l’adjectif « sacré » à un domaine plus restreint de cette branche de l’art.

En effet, le véritable art sacré, c’est l’art qui se met au service du Sacré. Toutes les tentatives d’asservir le sacré à l’art ont toujours avorté ou ont fourni, dans les meilleurs cas, des œuvres que l’on pourrait classer parmi les manifestations d’art religieux. Car les œuvres d’art religieux sont l’expression de l’approche d’un sujet religieux déterminé par le peintre qui veut exprimer son point de vue à propos de celui-ci. L’artiste peut, dans ces conditions, toucher par son œuvre des personnes professant les mêmes idées que lui ; il peut devenir le porte-parole d’une tendance idéologique, mais finalement, s’il perçoit un écho, il ne peut établir de dialogue personnel au travers de son œuvre.

Par contre, l’artiste qui se met au service d’un but suprême, qui met son art au service du Sacré, évite ce court-circuit fatal qui caractérise la situation d’un peintre, aussi célèbre soit-il, car il reste toujours entouré d’admirateurs et non d’interlocuteurs. L’artiste qui se met au service du Sacré trouve un interlocuteur en face de lui-même : Dieu, qu’il sert de son art.

Ainsi, l’art sacré permet d’œuvrer dans le domaine spirituel, tant en ce qui concerne le peintre que pour ceux qui contempleront son œuvre. Suivant la formule du septième concile œcuménique de l’an 787, la pensée humaine transcende l’image vers l’Archétype. Cela signifie que l’icône – l’œuvre qui caractérise l’art sacré par excellence – sert d’instrument qui nous facilite l’effort que nous faisons pour diriger nos pensées et nos prières vers son Archétype. Il est à noter que ce n’est pas seulement un instrument qui nous aide à diriger nos pensées, mais aussi, comme le montre une expérience séculaire, un moyen de mieux percevoir la réponse venant d’En-Haut. Telle est la fonction mystique de l’icône.
En raison de cette puissance latente, l’icône est impensable en dehors de ce contexte mystique. Si nous l’amputions de ce fondement sacré, elle deviendrait une pseudo-icône, une manifestation d’un esthétisme stérile.

L’art sacré digne de ce nom, le véritable art des icônes, obéit à certaines règles, qui sont autant de critères objectifs de son authenticité. Ces règles font partie de la tradition plus que millénaires des iconographes. Pourtant, lorsqu’on mentionne cette tradition, on se rend rapidement compte qu’elle s’est assimilée, surtout en Occident, au symbolisme superficiel des lignes, des couleurs et des gestes dans une image sainte. Or ces « signes particuliers » caractérisent surtout les différents styles  et les différentes écoles. En peignant une icône qui suit, trait pour trait, ces signes extérieurs, on obtiendra une imitation à laquelle il manquera le principal : la vie de l’Esprit. Tel est le résultat d’une approche formelle de l’art des icônes.

Quelles sont donc ces règles, ce « canon » de l’icône ? Il n’existe pas de recueil de tels textes, car, en fait, ces règles ne furent jamais formulées de manière systématique. Les manuels de peinture d’icônes, qu’ils soient grecs ou russes, illustrés ou non, sont tardifs et, de ce fait, souvent contestables. Ils furent rédigés à des époques où l’art séculaire des icônes semblait avoir perdu le fil vivant de la tradition, et, où les influences occidentales tout à fait étrangères à l’esprit de l’orthodoxie, avaient commencé à pénétrer dans les églises. Les manuels comportent donc presque toujours des exemples d’icônes mis au goût du jour, telle par exemple, la « Nativité Occidentale » de Denys de Fourna, ou les icônes symboliques russes du XVIIème siècle. Toutefois, l’oubli de la tradition iconographique n’était qu’apparent. Celle-ci s’est conservée grâce à quelques obscurs iconographes pour renaître au XXème siècle, lorsque les archéologues et les savants redécouvrirent les richesses artistiques et spirituelles des grands siècles de l’art sacré oriental.

Par conséquent, le peintre d’icônes modernes doit, tout d’abord, « aller à l’école », en se tournant vers les œuvres des meilleurs siècles de l’art oriental. En faisant preuve d’humilité, il doit rejeter ses goûts et ses préférences personnelles et rechercher l’enseignement de la grande tradition des iconographes à travers les anciens maîtres. Un seul critère est imposé dès le début : l’icône au sens strict du terme, donc  mosaïques, fresques et enluminures exceptées, fait partie de la liturgie et ne peut donc avoir pour sujet un thème non liturgique. Elle n’est jamais que l’illustration du texte de l’Evangile ; même lorsqu’il s’agit des grandes fêtes de l’année mais elle contient toujours un commentaire dogmatique de celui-ci, à l’instar des textes commentant l’événement du jour. Par conséquent, la forme et le contenu de l’icône sont déterminés par les textes scripturaux, la tradition et l’enseignement de l’Eglise. Ces limites étant posées, l’iconographe est libre de s’exprimer.

Cette liberté du peintre d’icônes peut paraître, selon l’approche, soit assez grande, car, à première vue, la limitation ne semble concerner que le sujet, soit extrêmement limités, si l’on se place du point de vue d’un artiste-peintre « libre ». Une conséquence de cette approche est l’opinion, assez courante en Occident, qui considère que les peintres d’icônes ne sont que des artisans qui fabriquent des copies destinées à un usage bizarre dans les églises orthodoxes : l’adoration par les fidèles  qui se manifeste par l’encensement, les génuflexions et les embrassements.

Nous ne polémiquerons pas contre cette dernière affirmation car cela nous entraînerait trop loin de notre sujet principal ; disons seulement que les fidèles orthodoxes n’ont jamais adoré les icônes, qui ne peuvent qu’être objet de vénérations. Quant à l’accusation de copiage, elle n’émane, en général, que d’observateurs superficiels. En fait, les icônes qui portent le même nom : « le Christ en gloire », « la Vierge de Wladimir », … ne sont jamais des copies d’un prototype, mais des interprétations d’un sujet aux caractéristiques bien définies. Un maître  du pinceau comme Andreï Roublev aurait certainement pu copier, trait pour trait, l’icône de « la Vierge de Wladimir » du XIIème siècle, or, la « Wladimirskaïa » de Roublev est en réalité une recréation de l’image. Ce même travail est exigé du peintre d’icônes modernes. Or, dans cette recréation, s’exprime inévitablement la nature intérieure de l’artiste. Il se trahit ici bien plus que par la création d’un tableau quelconque. Et, si on réfléchit au fait que l’icône est destinée à la prière et à la méditation on verra toute la portée que peut avoir la personnalité de l’iconographe pour œuvre sainte qu’il se propose de réaliser.

Nous voyons donc qu’un peintre d’icônes doit réunir en lui le théologien, familiarisé avec l’enseignement de l’Eglise et sa liturgie ; l’historien de l’art qui aurait étudié l’art sacré à fond, afin de posséder tous les schémas iconographiques de base ; l’ascète qui ne cesse de travailler sur son moi profond pour le perfectionner et le rendre plus transparent à Dieu, qu’il sert de son art et dont il veut faciliter l’approche à ses frères.

Mais la récompense de ses efforts vaut bien toutes ces peines. Au bout de son chemin difficile, l’iconographe retrouve la liberté créatrice originelle, telle que la possédait Adam avant sa chute. Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, il manifestait cette liberté en continuant œuvre de la Création, ce que la Genèse exprime par « cultiver et garder le jardin », mission qui fut confiée à l’homme, et « dominer » sur toute la terre et les êtres vivants. Or, cette œuvre n’est possible que si l’homme reste en contact direct avec Dieu, quand il est en Dieu. Ce contact direct fut perdu avec la chute du premier homme, quand il cessa de voir Dieu face à face. Mais l’incarnation du Verbe de Dieu, en restaurant l’homme dans sa dignité première en Jésus-Christ, nous donna la possibilité de reprendre notre œuvre et  de la mener à bien avec l’aide de l’Esprit-Saint. Car, pour employer le langage de nos mystiques, tel, par exemple, saint Séraphin de Sarov, l’homme est sur terre pour aller à la quête de l’Esprit-Saint en vue de la théosis finale de toute la création. Et la peinture d’icônes est un des nombreux aspects de cet effort de l’homme. Inébranlablement tourné vers son Prototype, dans une quête pleine d’humilité, le peintre d’icônes essaie de se mettre à son diapason, si l’on peut dire, afin de pouvoir réaliser une œuvre vivante.

La véritable peinture d’icônes est l’art sacré, l’art sanctifié, l’art spirituel, le résultat de la discipline spirituelle observée par l’iconographe qui se voue au service de Dieu.





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ROME, jeudi 22 novembre 2012 (ZENIT.org)

 L’artiste est « témoin privilégié de la beauté de la foi ». Il participe, « avec sa contribution spécifique et originale, à la vocation et la mission de l’Eglise ».

C’est le message de Benoît XVI, lu par le cardinal Secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone, aux participants de la XVIIe séance publique des académies pontificales, organisée par l’Académie pontificale "des Beaux-arts et des Lettres des virtuoses au Panthéon" hier, 21 novembre 2012, à Rome, sur le thème "Pulchritudinis fidei testis. L’artiste, comme l’Eglise, témoin de la beauté de la foi".

Le pape appelle les participants à une « valorisation toujours plus adéquate du patrimoine historique et artistique extraordinaire de l’Eglise, témoignage éloquent de la fécondité de la rencontre entre la foi chrétienne et le génie humain ».

Témoin privilégié de la beauté de la foi
L’artiste, déclare-t-il, est un « témoin, d’une certaine façon privilégié, de la beauté de la foi ». Il participe, « avec sa contribution spécifique et originale, à la vocation et la mission de l’Eglise », surtout lorsqu’il « réalise des oeuvres d’art directement liées à l’expérience de foi et au culte, à l’action liturgique de l’Eglise », ajoute le pape.  

Il cite à ce propos, le P. Giovanni Battista Montini, futur Paul VI, qui écrit pour le premier numéro de la revue Arte Sacra (juillet-septembre 1931) : « le véritable art sacré naît de l’artiste pieux et croyant, priant, désireux, qui veille dans le silence et dans la bonté, en attente de sa Pentecôte… Il revient aux artistes chrétiens de préparer par leurs œuvres un état d’esprit où se ressaisit en Christ notre unité spirituelle, aujourd’hui déchirée ; l’unité qui réconcilie en harmonie l’impression et l’expression; le monde interne et l’externe; l’esprit et la matière; l’âme et la chair; Dieu et l’homme ».

Benoît XVI invite donc à « réaffirmer et à manifester » cette mission dans toutes les expressions artistiques, « sans faire abstraction de l’expérience de la foi », mais au contraire en « se confrontant librement et ouvertement avec elle, pour en tirer inspiration et contenu ».

Pour le pape, la beauté de la foi « ne peut jamais être un obstacle à la création de la beauté artistique, car elle en constitue en quelque sorte la sève et l’horizon ultime ».

Dans ce cadre, le véritable artiste est même le « gardien de la beauté du monde », selon les mots du Concile Vatican II : « grâce à sa sensibilité esthétique particulière » et à son « intuition », il peut « cueillir et accueillir plus en profondeur que les autres la beauté propre de la foi, et ensuite la ré-exprimer et la communiquer avec son langage personnel ».

L’Eglise et les artistes
D’ailleurs, rappelle Benoît XVI, la « grande aspiration » de Vatican II a été de « re-proposer à tous les fidèles la force et la beauté de la foi », tout comme l’Année de la foi ouverte le 11 octobre dernier.
Le Concile Vatican II a donné une « impulsion au dialogue », notamment à travers le « Message aux artistes ». Puis l’Eglise a poursuivi sur ce chemin, avec le bienheureux Jean-Paul II et sa Lettre aux artistes (1999) où il affirme : «Toute forme authentique d'art est, à sa manière, une voie d'accès à la réalité la plus profonde de l'homme et du monde. Comme telle, elle constitue une approche très valable de l'horizon de la foi, dans laquelle l'existence humaine trouve sa pleine interprétation. Voilà pourquoi la plénitude évangélique de la vérité ne pouvait pas ne pas susciter dès le commencement l'intérêt des artistes, sensibles par nature à toutes les manifestations de la beauté intime de la réalité.» (n. 6).

Puis Benoît XVI à son tour a rencontré des délégations d’artistes dans la Chapelle Sixtine le 21 novembre 2009. Il leur avait adressé un « appel intense », en réaffirmant la volonté de l’Eglise de « retrouver la joie de la réflexion commune et d’une action en accord, afin de mettre à nouveau au centre de l’attention, autant dans la communauté ecclésiale, que dans la société civile et dans le monde de la culture, le thème de la beauté ».

Impliquer toutes les dimensions de l’humanité
Dans son message à nouveau, le pape invite les artistes chrétiens et « tous ceux qui s’ouvrent au dialogue avec la foi », à « faire en sorte que leur parcours artistique puisse devenir et se montrer d’une manière de plus en plus lumineuse, comme un itinéraire intégral, dans lequel toutes les dimensions de l’existence humaine sont impliquées », de façon à « témoigner efficacement de la beauté de la foi en Christ, image de la gloire de Dieu qui éclaire l’histoire de l’humanité ».

Benoît XVI encourage particulièrement les « jeunes artistes », qui veulent « offrir leur contribution à la promotion et la réalisation d’un nouvel humanisme chrétien à travers leur recherche artistique ».
Il souhaite enfin à tous les universitaires « un engagement toujours plus passionné dans leurs domaines respectifs d’activité ».  

Les travaux de la séance ont été introduits par le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture et du Conseil de coordination entre les Académies pontificales.
La séance a été également l’occasion d’établir officiellement les Président, Secrétaire et universitaires de la nouvelle Académie pontificale Latinitas (cf. Zenit du 10 novembre 2012) ainsi que de remettre le « Prix des Académies pontificales », à ex aequo, à une sculptrice polonaise, Anna Gulak, et à un peintre espagnol, David Ribes Lopez et la « Médaille du Pontificat » au jeune sculpteur italien Jacopo Cardillo.

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ROME, mercredi 31 octobre 2012 (ZENIT.org)

 « La longue et fructueuse tradition de l’art chrétien se présente comme un chemin ininterrompu visant à annoncer la foi », fait observer Rodolfo Papa, expert au synode pour la nouvelle évangélisation, professeur d’histoire des Théories esthétiques à l’Université pontificale  Urbanienne, dans cette réflexion sur la « via pulchritudinis ».

L'art et la transmission de la foi
Il n’est pas seulement question de l’heureuse issue d’une rencontre entre l’art et le christianisme, mais d’une nouvelle dimension de l’art impensable sans le christianisme: le christianisme a si bien fait naitre l’art, que l’art chrétien est, plus profondément, un art christique, un art né du Christ et pour le Christ.

Jésus-Christ est le Verbum Dei qui s’est fait chair et se manifeste comme Imago Dei; en  Lui Verbum et Imago sont unis, il est « Parole » qui se « Voit », « Image » qui « Parle ». Sous certains côtés, la Nativité, déjà, a fait jaillir la nécessité d’une nouvelle façon de montrer en racontant le Verbe qui s’est fait Chair. Jésus-Christ, Verbum Dei et Imago Dei, nous révèle le Père en parlant et agissant, mais il nous donne aussi la parfaite syntaxe d’un art nouveau capable de transmettre la Bonne Nouvelle.

Jean-Paul II relève de manière suggestive (Discours aux participants du Congrès national italien d’Art sacré le 27 avril 1981): « Avec l’Evangile l’art est entré dans l’histoire ». Il explique que Jésus a façonné le récit d’une façon inédite, en unissant de manière unique le récit et l’observation: « Jésus opéra l’admirable revêtement, il modela, dirions-nous dans un langage moderne, le récit, afin que l’on puisse écouter, mais voir aussi ».

Le système de narration propre aux paraboles de Jésus est traduit par le christianisme dans la peinture, dont saint Luc, le premier portraitiste de Marie (tout comme Nicodème, selon la tradition, est le premier sculpteur du Crucifié),  est le précurseur. La peinture sacrée des chrétiens traduit en image le schéma narratif de l’Evangile.

Le proprium de la tradition picturale chrétienne est en effet la narration: la peinture chrétienne n’est pas une suite de représentations réalistes, d’idéogrammes illustrant chaque mot ou chaque concept, mais un langage narratif, où les images se construisent avec une grammaire et une syntaxe interne, selon la logique d’un discours qui se déroule dans le temps.

Jean Damascène souligne la grandeur d’un art qui représente le Christ sous ses traits humains: « qu’on représente donc dorénavant à la place de l’ancien agneau  le caractère humain du Christ notre Dieu, afin que nous comprenions la profondeur de l’abaissement du Verbe de Dieu, et soyons amenés au souvenir de sa vie dans la chair, de sa souffrance et de sa mort salutaire, ainsi que de la rédemption du monde qui en est le fruit » (Défense des images sacrées).

C’est précisément cette caractéristique, liée à l’incarnation du Verbum Dei, et imprégnée du caractère narratif des paraboles évangéliques, qui a permis à la peinture chrétienne de se transformer en Biblia Pauperum.

Le cardinal Gabriele Paleotti dans son Discours autour des images sacrées et profanes de 1582 relevait à ce propos « Il est certain que la Sainte Eglise, par le biais de toutes les peintures répandues dans les lieux de la chrétienté, vient en aide à ses fidèles les plus faibles, enseignant de manière même simple les articles de la foi qui, grâce aux peintures, deviennent plus faciles à comprendre et peuvent s’imprimer dans la mémoire », au point d’ailleurs que la peinture « est pour eux comme l’utilisation de livres ».

Il expliquait avec précision l’importance des images de la peinture dans un parcours de foi : celles-ci «viennent au secours des trois facultés de notre âme: l’intellect la volonté et la mémoire […] Les images, en effet, instruisent notre intellect comme s’il s’agissait de livres populaires, […] voir les images peintes avec dévotion fait ensuite monter les désirs positifs de la volonté, éloigne du péché, suscitant en nous le pieux désir d’imiter la vie des glorieux saints portraits. Quant à la mémoire, on peut dire que celle qui vient de notre volonté, celle donc que l’emploi des images suscite en nous, est encore plus sollicitée en voyant les images sacrées dont nous parlons » »

De par sa caractéristique intimement christocentrique, la peinture chrétienne est un art fait pour la liturgie: elle fait voir la Parole, aide à contempler la Parole, dans la mesure où celle-ci est dotée d’une immobilité narrative, d’une narration stable.

Et c’est justement cette capacité à raconter par la biais d’images stables, qui fait de la peinture un soutien dans la contemplation; comme a dit Benoît XVI (Audience générale, 31 août 2011) « il existe des expressions artistiques qui sont de véritables chemins vers Dieu, la Beauté suprême, et qui nous aident même à grandir dans notre relation avec Lui, dans la prière. Il s’agit des œuvres qui naissent de la foi et qui expriment la foi ».

La peinture se pose en témoin crédible, grâce à la certitude des images; Jean Damascène écrivait à ce propos  que « le peintre, par l’image, enseigne bien plus ».L’art chrétien est donc en soi, une « annonce » de la Foi, car il est intimement et entièrement soutenu par la foi en Jésus-Christ, sans laquelle il n’existerait pas. C’est la raison pour laquelle Jean Paul II (dans son discours déjà cité de 1981) affirmait: « L’art religieux, en ce sens, est un grand livre ouvert, une invitation à croire dans le but de comprendre ».

Mais Jean Paul II (dans un Discours au personnel des Musées du Vatican, 20 décembre 1983) observait : « pour tant de personnes, provenant de tous les continents et appartenant à des religions différentes de la nôtre, l’Eglise catholique n’est parfois connue qu’à travers les œuvres d’art conservées dans les Musées du Vatican. Des murs de ces musées –comme d’ailleurs de ceux des cathédrales et des temples chrétiens de par le monde – l’Eglise continue à accomplir un de ses devoirs fondamentaux, qui est celui de l’évangélisation ».

Et comme explique le cardinal Joseph Ratzinger dans son Introduction à l’esprit de la liturgie: « L’absence totale d’images n’est pas conciliable avec  la foi en l’incarnation de Dieu ».